mercredi 1 septembre 2010

Le boumian


En provençal on dit "lou boumian" et "la boumiano". Le terme "boumian" relève d'un fait historique : le comte de Provence a repoussé les Tziganes et les vagabonds et les a contraints à vivre, durant un demi siècle, dans le massif de la Sainte Baume. Quand ils ont enfin pu quitter la montagne, les gens qui les découvrirent les appelèrent les "boumian", que l'on peut traduire littéralement par "les habitants de la Baume".

Ce haut lieu aurait abrité Sainte Marie Madeleine dans une grotte qui, aujourd'hui, est devenue un sanctuaire. Autre lieu provençal de pèlerinage des gens du voyage : l'église des Saintes-Maries-de-la-Mer. Ils y célèbrent, tous les ans, au mois de mai leur patronne, Sainte Sara, servante noire de Marie Salomé et Marie Jacobé.

L'histoire entre la Provence et les "gens du voyage" fait donc que cette famille "nomade" et marginale trouve sa place dans la crèche.

Le bohémien porte une grande cape noire dans laquelle il s'enroule et s'échappe quand les choses tournent mal. Sous son foulard rouge enroulé sur sa tête, ses cheveux sont longs et noirs tout comme ses grands sourcils et sa barbe. Un grand couteau est accroché à sa ceinture, toujours à porté de mains. On peut supposer qu'il cache sous sa cape une bourse remplie de pièces d'or qu'il aura gagné par de menus travaux (c'est un tondeur de chien, de chevaux, mais ils soignent aussi les animaux malades, on le dit guérisseur et savant) ou de petits larcins (on le dit voleur de poules). Les couleurs de ses vêtements sont "criardes".

La bohémienne porte un enfant emmitouflé entre son épaule et sa hanche gauche. Sa jupe est longue et noire, son haut très coloré. Un voile est noué sur sa tête. Elle joue du tambourin de la main droite. On dit qu'elle jette des sorts (notamment quand on ne veut pas acheter un médaillon de Sara, les mouchoirs qu'elle brode elle même, les paniers qu'elle confectionne...). Elle lit les lignes de la main, c'est une diseuse de bonne aventure.

Ce sont les nomades de la crèche, ils se déplacent avec leur roulotte et ne se sédentarisent jamais. Ils passaient à dates fixes dans les villes et les villages pour effectuer de petits travaux. Dans la crèche, ils sont souvent suivis de leur roulotte recouverte d'une bâche rouge, attelée à de vieux chevaux, à laquelle sont suspendus paniers, ustensiles de cuisine ... Le bruit en est assourdissant. De nombreux enfants sont dans le cortège. Certains de ces enfants sont blancs et non basanés. Ce sont les enfants que "les grandes dames" avaient illégitimement et qui leur étaient confiés moyennant finances. Les enfants sont sacrés pour les bohémiens, les "bâtards" étaient élevés exactement de la même manière que les autres enfants. De nombreux animaux suivent également ce cortège avec lesquels ils montent des spectacles pour gagner un peu d'argent (ours, singes...).

Le bohémien peut également être nommé "brigand", toujours à l'affût d'un mauvais coup. C'est le seul "méchant" de la crèche. Il a la réputation de voler les poules mais également de kidnapper les enfants. Dans ma jeunesse encore, mes vieilles tatas me disaient que "si je n'étais pas sage, le bohémien viendrait m'enlever et ne me ramènerait jamais dans ma famille".

Ces deux personnages font peur. Leurs savoirs dérangent et fascinent (soigneur pour lui, sorcière, diseuse de bonne aventure pour elle).

Santon du " voleur de poules".


Cela ne date donc pas d'hier. Le Rom, le Gitan, le Bohémien, le Boumian est un personnage au mieux inquiétant, au pire dangereux. Il y a de la délinquance dans cet homme-là et sa sulfureuse compagne n'est pas moins suspecte. Voilà le mythe qui nourrit encore les comportements des gadjé, aujourd'hui.



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