mardi 8 novembre 2011

Mendiantes devant le tribunal : "la chasse aux Roms continue"

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Nous sommes concernés par la brutale interpellation de femmes qui mendient avec leur enfant, les séparations qui s'en suivent, la chasse aux mendiantes Rroms qui s'engage.

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Interview - Deux Roumaines comparaissent devant le tribunal de Bobigny pour "privation de soins" après avoir été arrêtées en train de mendier avec leurs enfants. Leur avocat dénonce une infraction "aberrante" et clairement anti-Roms.

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TF1 News : Dans quelles conditions ont été arrêtées vos deux clientes et que leur reproche-t-on exactement ?

Henri Braun, avocat : Maria et Genovita sont deux jeunes femmes Roms, originaires de Roumanie. Elles ont une vingtaine d'années et sont arrivées en France il y a quelques mois avec leurs maris et leurs enfants. Comme tous les ressortissants roumains et bulgares en France, elles n'ont pas accès au marché du travail en France. Elles vivent donc dans des conditions très précaires et ont été contraintes de mendier pour survivre et nourrir leurs enfants. Elles ont été arrêtées le 6 septembre au Bourget en train de faire la manche dans la rue avec leurs enfants. Ces derniers leur ont été retirés pendant huit jours, puis finalement rendus. Depuis, elles sont poursuivies pour "privation de soins" devant le tribunal de Bobigny.

Ce délit, qui figure à l'article 227-15 alinéa 2 du code pénal, a été créé par la loi de sécurité intérieure de 2003. Il stipule que "constitue notamment une privation de soins le fait de maintenir un enfant de moins de six ans sur la voie publique ou dans un espace affecté au transport collectif de voyageurs dans le but de solliciter la générosité des passants". La sanction encourue est de 7 ans de prison et 100 000 euros d'amende.

Suite à la création de ce délit, il y a eu une première vague d'interpellation en 2004 et 2005. Et puis, le 12 octobre 2005, la Cour de cassation a rendu un arrêt imposant au parquet d'apporter la preuve que la santé de l'enfant avait souffert pour que le délit soit constitué. Comme ce n'est jamais le cas, les arrestations se sont arrêtées net. Mais l'offensive a clairement repris depuis l'été dernier. La chasse aux Roms continue. Cela va dans la continuité de la chasse lancée il y a un peu plus d'un an avec le démantèlement de tous les camps, notamment en Seine-Saint-Denis.


TF1 News : Ce lundi sera examinée une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que vous avez déposé mi-octobre lors d'une première audience : pourquoi souhaitez-vous voir ce texte abrogé ?

H.B. : Ce qui est étonnant dans les dossiers de mes deux clientes, c'est qu'on peut lire que les policiers ont dit "repérons une femme de type rom et interpellons". Mon objectif est de faire disparaître cet article de loi que je considère clairement comme anti-Roms car, jusqu'à présent, je n'ai vu que des Roms poursuivis sur le fondement de l'article 227-15 alinéa 2. Ce dernier a été pensé dans un sens discriminatoire et il est appliqué de façon discriminatoire. Si jamais ma QPC est rejetée aujourd'hui je saisirai la Cour de justice de l'Union européenne, au Luxembourg, pour violation de la Charte européenne des droits fondamentaux. J'estime en effet que la mendicité n'est pas un délit. Et quand bien même on déciderait qu'il s'agisse d'un délit, la sanction proposée est totalement disproportionnée. C'est aberrant. Comment se fait-il, par exemple, qu'un vol simple soit puni de trois ans de prison, et que le simple fait de mendier soit puni de sept ans ?


TF1 News : Est puni de sept ans de prison le fait de mendier ... avec son enfant.

H.B. : Je suis d'accord, mais le problème est que ces femmes n'ont accès ni aux crèches ni aux haltes garderies. Alors comment font-elles ? La justice pénale est là pour réprimer des comportements nuisibles à la société. Mais en l'espèce, on vise simplement à stigmatiser une partie de la population. Je trouve cela insupportable. Et sans faire d'amalgame ou tenter de vouloir comparer l'incomparable, c'est quand même d'autant plus insupportable que les Tsiganes ont souvent été stigmatisés dans l'histoire.


TF1 News : En même temps, notre société ne peut tolérer de voir des enfants mendier dehors toute la journée avec leurs parents...

H.B. : La question n'est pas de savoir si on approuve ou pas moralement cette situation. Sur le fond je suis évidemment entièrement d'accord pour dire que la place des enfants de moins de six ans n'est pas dans la rue en train de mendier. La vraie question est de savoir si cela mérite une répression pénale. A l'heure actuelle, on ne fait rien pour ces enfants, on vise juste un but répressif. Je ne pense pas qu'incarcérer les mères aille dans le sens de l'intérêt de ces enfants. Un début de solution serait de donner à ces gens l'accès au travail. Ils sont totalement aptes pour cela. Alors, ils n'auront plus besoin de mendier.


TF1 News : Le vote de cet article visait également à mettre un coup d'arrêt aux réseaux organisés...

H.B. : Peut-être que cela existe mais moi je n'en ai jamais vu. J'ai simplement vu des maris et des femmes essayant d'avoir une vie meilleure pour leurs enfants. Mais si c'était le cas, il existe un autre texte qui condamne l'exploitation de la mendicité et que je n'ai encore jamais vu appliqué. Alors commençons par ça.


TF1 News : Lors de la première audience, mi-octobre, une autre femme, arrêtée à la Courneuve et à qui l'on reprochait les mêmes faits, a finalement été relaxée. Vous attendez-vous à la même clémence du tribunal pour vos clientes ?

H.B. : Je suis très confiant quant à l'obtention de la relaxe car les examens médicaux effectués sur les enfants ont montré qu'ils étaient en parfaite santé. Les services de police, eux-mêmes, ont juste constaté que la couche de l'un d'eux avait été changée un peu tardivement et qu'il avait du coup les fesses un peu rouges... On est donc loin de la maltraitance ou du manque de soins. Mais mon objectif va plus loin que la relaxe. Mon objectif, comme je vous l'ai dit, est d'obtenir l'abrogation de ce texte.

Par Alexandra Guillet le 07 novembre 2011 à 06:00

http://lci.tf1.fr/france/justice/mendiantes-roumaines-au-tribunal-la-chasse-aux-roms-continue-6808956.html