lundi 24 juin 2013

Intégration, minorité, mode de vie des Roms

 Pour un débat...

Sur la minorité rom



On ne parle d'intégration que parce qu'il y a une partie du corps social qui n'est pas totalement « dedans ».

Dedans... quoi ? Dans la République française, bien évidemment. Quand on fait entrer un groupe dans le « creuset » républicain où il doit se fondre, il se produit un double effet : d'une part la majorité s'enrichit d'un apport (ou le détruit), d'autre part la minorité donne ce qu'elle amène (ou rien) et disparaît.

S'agissant des Roms, on observe que, Français ou étrangers, ils restent une minorité « à part ». C'est donc le rapport majorité/minorité(s) qui est mis en évidence par l'absence d'intégration, qu'on la veuille ou qu'on la craigne.

La France ne se pense unie qu'en « oubliant » ses minorités. Sa constitution néglige de signaler leur existence. Le « peuple français » est, selon notre organisation politique, un et indivisible1, donc (croient les constitutionnalistes) sans distinctions possibles.

Bien entendu, ce refus politique de reconnaître les minorités dans la nation a pu constituer, dans le passé, un ciment historique qui a servi à souder les Français entre eux, dans des périodes tragiques. Ce même refus a aussi été cause de conflits qui, pendant longtemps, ont dressé, les uns contre les autres, des Français qui se sentaient niés (Bretons, Basques, Corses, Occitans...) contre ceux qui voulaient protéger l'unité de l'État.

Ce temps est révolu car, même si des tensions subsistent (notamment en Corse et au pays basque), on commence à admettre que la pluralité (linguistique, ethnique, religieuse ou autre) ne nuit pas nécessairement à l'unité, pour peu que l'éducation, la laïcité, l'ouverture européenne, permettent de sortir à jamais la France des conflits qu'elle a connus, en interne comme en externe, au cours des deux avant-derniers siècles !

Car il ne suffit pas de ne pas reconnaître les minorités pour qu'elles n'existent pas. La France comme tous les pays du monde, et d'Europe en particulier, mais plus encore comme pays de forte immigration liée en partie à son histoire coloniale, est peuplée de minorités françaises ou étrangères, d'origines multiples. Cette complexité est une chance et une force. La proximité de modes de vie différents qui en résulte facilite même une évolution très progressive des pensées et des mœurs.

Les Roms jouent leur rôle dans cette transformation continue, incessante, très lente du corps social. Première minorité culturelle par leur nombre en Europe, ils influencent, depuis des siècles, qu'ils soient Roms de France ou Roms en France, la vie commune, en positif comme en négatif, aux yeux des non-Roms ou gadjé qui, depuis fort longtemps, parfois les admirent ou parfois les rejettent.

Reconnaître les minorités2, dont la minorité rom, est une exigence politique à laquelle l'État français est rebelle. Ainsi n'avait pas été prise en considération la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU, dans sa résolution 47/135 du 18 décembre 19923.

La quasi-totalité des États membres du Conseil de l'Europe (39 États sur 47) ont signé et ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales4, traité ouvert à la signature des Etats membres, dès le 1er février 1995. Quatre États seulement ne l'ont toujours pas signée : Andorre, la France, Monaco et la Turquie (à cause de la minorité kurde). Quatre États l'ont signée mais pas encore ratifiée. Il s'agit de la Belgique, la Grèce, l'Islande et le Luxembourg.

Il en va de même pour la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires5 de novembre 1992, que la France avait signé, avec bien des réserves, mais pas ratifiée au prétexte que l'article 2 de sa constitution stipule que « La langue de la République est le Français ». François Hollande a d'ailleurs annoncé, en mars 2013, sans que cela remue les foules, qu'il renonçait à ratifier la charte européenne des langues régionales et minoritaires, contrairement à l'engagement 56 de son programme.

Le différend est majeur entre ceux qui pensent que la reconnaissance du droit des minorités, comme des langues régionales ou minoritaires (dont le romani), risque de porter atteinte à l'unité de la France et ceux qui estiment, au contraire, que l'unité n'est pas l'unicité et que la diversité ne saurait nuire à la solidarité des citoyens ainsi qu'il apparaît, à l'évidence, dans de nombreux autres pays.

C'est sous cette éclairage qu'il faut placer le débat sur l'intégration des Roms, qui n'est qu'un avatar d'un débat politique, linguistique, philosophique plus profond où c'est la conception même de notre idée de la France unie et diverse, comme veut l'être l'Europe, qui est en cause, en ce début de XXIe siècle, à quelques mois des prochaines élections européennes de 2014.

(à suivre...)

La France seule
... à ne pas reconnaître les minorités !

1 Article premier : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».
3   Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques,