dimanche 4 janvier 2015

Les deux Francesca nous interpellent.



Deux nourrissons sont morts, pendant « les fêtes ». L'un dans l'Essonne, à Champlan, au cours de la nuit qui suivit Noël, (le 26 décembre 2014), dans le bidonville où survivent ses parents ; l'autre à Lille, dans la gare de Lille-Flandre, le jour de l'an, (1er janvier 2015). La presse, dans les deux cas, évoque « la mort subite du nourrisson » !

Il est bien d'autres similitudes dans ces morts concomitantes. Les deux enfants, de même âge (deux à trois mois), de même prénom (Francesca), de même nationalité (roumaine), affontaient, avec leurs parents et leurs jeunes frères, le même grand froid d'hiver et la même précarité des sans abris.

Il se peut que les deux petites filles n'aient pas succombé à cause du froid mais, après l'autopsie et les affirmations des médecins légistes, la mort subite du nourrisson ne sera jamais qu'une hypothèse. Mort subite ? Certes ! De nourrissons ? Oui ! Mais s'agit-il de «la-mort-subite-du-nourrisson » ? Voire... C'est, en général, par surchauffe du corps que ce produit un tel décès.

Et fallait-il infliger à la famille l'épreuve supplémentaire d'une autopsie ? Ne s'agirait-il pas plutôt, pour les pouvoirs publics, de rechercher des causes qui dégageraient leur responsabilité ?

Les petites Francesca, en quittant notre monde, nous apportent bien d'autres tristes enseignements. La précipitation des élus qui, sur leurs comptes twitter, ont multiplié les commentaires, révèle surtout le malaise, la gêne, voire l'indignité de personnalités politiques, impuissantes devant la misère et qui, soit versent des larmes de crocodile, soit cachent sous les mots leur incapacité à organiser la solidarité.

Car, les Roms sont le symbole le plus visible de notre blocage humanitaire. Tout existe, dans notre pays pour éviter des drames, pour faire face à la rigueur du temps, - et nous ne sommes pas l'un des pays les plus froids ! -, mais notre considération à l'égard des plus faibles, même réelle, passe après d'autres pré-occupations, sérieuses ou futiles. La période des réjouissances de Noël et du Nouvel An aura été révélatrice de cette juxtaposition de la facilité et de la difficulté à vivre dans nos villes.

Mais, à l'hypocrisie mensongère de ceux qui appellent à l'action humanitaire tout en ne prenant pas les moyens de faire face à la détresse des humbles, il aura fallu ajouter l'impitoyable brutalité de tel maire concerné, qui refuse l'inhumation à « ceux qui ne paient pas leurs impôts locaux », ou de tel autre maire qui, de loin, commente, et ose écrire que la mère qui mendie devrait savoir « qu'utiliser un bébé comme appât comprend des risques » !

Passons sur les commentaires indignés de ceux qui, sincères ou non, ne peuvent laisser passer cette opportunité de se faire lire, ou entendre, quand l'événement, par son caractère choquant, émeut l'opinion.

Il ne suffit pas davantage que le Défenseur des droits s'affirme « bouleversé ». Il doit accompagner ceux qui considèrent, surtout quand il s'agit d'enfants nés n'importe où, sans qu'ils y puissent rien, que le droit à vivre est sacré et la protection des plus faibles prioritaire.

La question est autre, à présent : qu'allons-nous faire pour que les bébés ne meurent plus dans la rue où, après chaque évacuation, se retrouvent les familles roms qui n'ont pas même droit à la « « trève hivernale » ? Notre cœur devient dur et notre sollicitude fort temporaire !

L'hospitalité a été et demeure la première des obligations d'une société civilisée. Y renoncer conduit à la barbarie. Ces deux enfants mortes nous avertissent que nous n'en sommes plus loin.